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Exposition du 11 mai au 1er juin 2012

 

C’est samedi. Il fait froid dans les vestiaires. J’ai la chair de poule, en culotte, pieds nus. Maman a oublié de faire un ourlet, la robe d’Océane est trop grande pour moi. Maman s’énerve, elle ne trouve pas le trou de l’aiguille. J’ai peur qu’elle me gronde.
La bouche en cul de poule pour le rose à lèvres et les paupières closes pour le fard nacré, je suis jolie comme un cœur. Maman jauge le résultat, d’un œil froid. Tout à l’heure elle sera tellement fière de moi qu’elle pleurera.
La scène est immense, une ligne de visages attentifs et souriants comme le loup du Petit chaperon rouge : 1, 2, 3, 4, 5 : mesdames et messieurs les membres du jury. Derrière, les mamans aux abois. « Ce n’est pas grave si tu perds ma chérie, Maman t’aimera toujours». Devant moi, Fibie s’avance, elle marche les pieds en dedans, elle fait la révérence à droite, traverse en cadence mécanique, fait la révérence à gauche. Puis Luna, pimpante et aguicheuse, c’est elle qui va gagner.
« Numéro 3 : Rose Coquelle ». Cauline, qui a gagné l‘année dernière, me prend la main. Son sourire est impeccable, j’essaie d’avoir le même. Mes cheveux me grattent, mes jambes tremblent, mon cœur cogne dans ma gorge, la musique si forte devient lointaine. J’ai peur, j’ai peur, je cherche maman, elle me regarde, sa bouche sourit, ses yeux s’affolent, elle m’envoie des baisers, non, elle mime ce que je dois faire : ne pas oublier les baisers papillon pour le jury. Je marche vers l’angle droit en avant de la scène, vite, je veux être ailleurs, m’échapper, me cacher. Je plie les genoux, me relève, un pas, mon talon est coincé, je tire, l’ourlet craque. Maman a crié, je suis tombée.

Marion Gronier

 

www.mariongronier.com