Exposition du 11 mai au 1er juin 2012
Pascal Ito est photographe portraitiste depuis 1987. Du 11 mai au 1er juin 2012, il présentera à la Galerie Samuel, la série de photographies Les hommes qui pleurent (2008 – 2012).
Racontant les prémisses de son œuvre, le photographe révèle ainsi le caractère intime de son travail : «L’an dernier mon père a pleuré devant moi. C’était la première fois que je découvrais sa vulnérabilité. Il exprimait sa peine sans chercher à la refouler. Il m’avait toujours dit qu’un homme ne devait pas pleurer».
La perception d’une tristesse partagée entre un homme et son fils l’a finalement conduit à la recherche et la reproduction d’une émotion universelle. Bouleversé par un sentiment particulier, le photographe cherche ainsi à en comprendre les mécanismes et, consciemment où non, à faire naitre chez le visiteur un peu de cette même émotion.
L’auteur transforme alors ce sentiment vécu en émotion esthétique pour lui et pour l’Autre. Il s’inspire là sans doute des théories pragmatiques du philosophe John Dewey affirmant dans son ouvrage L’Art comme expérience que « l’art implique un travail antérieur à l’œuvre, qui établit des relations entre l’expérience passée, mémorisée sous forme d’émotions… ». Les émotions, les affects et l’intuition sont à l’origine du geste artistique ; elles font également le lien avec le spectateur de l’œuvre qui peut en retrouver le sens et reproduire le geste lui-même. C’est ce qu’il nomme l’expérience esthétique. Pascal Ito semble donc concrétiser cette pensée en appuyant son œuvre sur une expérience personnelle et finalement commune. Catharsis ou purgation, cette expérience esthétique est une émotion pour l’artiste comme pour le regardeur.
Bravant les stéréotypes sexuels, féminité / masculinité, Pascal Ito donne un visage neutre à la tristesse. À mesure que les visages changent, ramener à un état premier tel le regard d’un enfant, la tristesse prend dès lors divers sens. Tantôt douleur et souffrance, tantôt douceur, abandon et relâchement, parfois mélancolie et nostalgie, enfin colère et malaise. «Ce qui les réunit, c’est cette vulnérabilité, présente dans chacun de mes portraits» explique t’il. Tel un chef d’orchestre, Pascal Ito cherche la nuance et compose devant nos yeux une symphonie d’émotions inspirée de nos interprétations.
Voir finalement c’est être vu. Car, sous le couvert d’une expérience personnelle, l’artiste nous renvoie à nos propres émotions. Chaque modèle exprime un sentiment particulier, unique, expliqué par un événement passé que le visiteur ne connait pas. Et pourtant cette émotion qui est offerte, suscite à son tour une forte émotion, qu’elle soit tristesse ou bien joie. La force du geste réside dans cette capacité à renvoyer l’autre à sa propre expérience.
L’universalité est enfin accentuée par la nudité des modèles et la série des images. Le photographe a voulu le même format, le même angle, le même éclairage, et la même position. Chaque individu est égal devant l’objectif. Ce dispositif technique concentre notre point de vue sur le visage, un «visage (compris) comme miroir de l’Autre».
Pascal Ito est un observeur d’humanité qui interroge en profondeur notre identité.