Exposition du 3 au 26 avril 2014
Vernissage le jeudi 3 avril à 18h30
Paradoxe : en recherchant les mots et leur définition, il semble que leur sens se perd, devient flou, et incertain. Cette tentative de mise-au-point crée le trouble :
Theorein (grec), Theoria (latin) : contempler, observer, examiner…
Theoros : spectateur… de Thea : la vue, et Orao : voir, regarder, considérer… assister à un spectacle, une fête…
Théorie : système conceptuel élaboré… hypothèses… spéculations…
Théories : séries, successions, suites, collections, accumulations… défilé, procession, cortège…
Paradoxal sommeil de la raison : des mouvements oculaires rapides dédoublent les visions, les redoublent, les accumulent, mouvantes, bougées…
Paradoxe de ces photographies, qui dès la prise de vues, loin de rendre compte de la réalité, révèlent des imprévus, des méprises, des bévues, des mutations du visible, où les formes sont brisées, mouvantes et émouvantes : Les péris, les ondines, les fées, les sylphides, les muses, toutes les figures qui brisent leur forme pour venir à vous, artistes compréhensifs, toutes ces angéliques filles incorporelles accoururent… Balzac
Prise de vues, prise de vies : à l’instant où le miroir bascule et ferme le viseur, Elle disparaît, devient invisible, fantôme errant sans corps, dans le silence aveugle et noir de la carte-mémoire… Quand l’amoureux Orphée tourne les yeux vers elle / Elle redevient Ombre, et demeure sans corps. Ovide
Dans ce temps de disparition, dans cet espace d’invisible, s’opère une métamorphose, une transfiguration, du modèle en figure. C’est un mouvement, une élévation, une ascension… Comme Eurydice montant du fond de l’ombre aveugle vers la lumière, vers la vue retrouvée, et comme montant aussi, des profondeurs du bain révélateur, ou des pixels de l’écran, prend forme l’apparition de cette figure désirée, – Sylphide en diffusion, alors fondue et confondue, du fond de l’invisible qui la fonde et la féconde… Spéculations, théories…
Théories de visions photographiées, processions d’images revenantes, en mue, nimbées de lumière, successions de doubles fantômes, d’ondes en échos, séries de conceptions écho-graphiées, incorporelles et transparentes… Suites de représentations dessinées, encrées, gravées, d’impressions imprimables d’un irréel, d’une idée, cortèges de figurations incertaines, estompées, inachevées… Théories… d’un idéal.
Ce n’est pas une question de forme, c’est une question de temps… La question du temps nécessaire à la prise de forme, aux prises et aux reprises de ces figurations… C’est que ces formes ne sont pas nées de l’entendement, mais du désir. Cézanne
Dans ce visible imprévisible, notre imagination s’éveille, libre et féconde, tentée par le mouvement des figures en formation, et la constante mobilité de leur devenir…
Suspension silencieuse du temps… suspens… pour ce qui s’éprouve et ne se voit pas… Elle est toute remplie de ce silence de l’heure qu’il est… Claudel
Un sixième de seconde ? petit, très petit morceau de temps, mais éprouvé comme un présent d’éternité, libre du mouvement de la vie… Hypothèses, spéculations, théories…
Benoist Demoriane – 2014